Dans ce second volet consacré à l’intelligence émotionnelle, nous vous proposons d'apprendre à gérer nos pensées et émotions négatives.
Nous sommes des êtres sensibles, nous ressentons le plaisir et la douleur. Nos émotions (nous en aurions une palette de 135) sont un atout car elles nous alertent face aux situations que nous vivons. Les comprendre, c’est en faire un allier. Les leaders efficaces font confiance à leurs ressentis mais ne s’enfermement pas dans un sentiment. Ils le dépassent en agissant en accord avec leurs valeurs, données plus tangibles et constantes. Pour développer vos compétences managériales, développez votre agilité émotionnelle.

 

Chaque jour, des milliers de pensées transitent dans notre tête. Notre cerveau ne se cantonne pas aux faits : il analyse, porte des jugements et interprète des mots entendus, des situations vécues ou observées. Viennent s’ajouter les émotions ressenties. Elles peuvent êtres positives (« j’ai été bon sur ce coup-là ! », « il est sympa ce nouveau commercial », « j’ai bien préparé mes arguments, je vais assurer à ce rendez-vous ») et sont bien utiles pour maintenir notre bien-être au travail ; mais elles peuvent aussi être négatives.  Ne vous êtes-vous jamais dit « elle fait exprès de ne pas suivre ma consigne », « je suis un imposteur », « je ne suis pas assez calé pour cette présentation », « je suis une mauvaise mère car je passe trop de temps au travail » ? Ces pensées peuvent vite devenir de véritables cailloux dans notre chaussure si on se laisse submerger par elles.

Le postulat de départ est que la souffrance n’est pas signe de pathologie, mais une partie intégrante de l’expérience humaine. Aussi désagréables soient-elles, les émotions négatives sont utiles et s’inscrivent dans le fonctionnement normal de l’esprit. La peur, la colère ou encore la tristesse sont essentielles car elles nous alertent sur ce qui ne va pas.

Des chercheurs se sont penchés sur ces situations vécues par tous mais ayant un impact d’autant plus grand chez les managers et dirigeants. Chaque jour, ceux-ci sont amenés à prendre des décisions engageantes pour l’entreprise. Il est important que les pensées négatives ne soient pas des parasites qui viendraient troubler l’action ou la stratégie de l’entreprise.

La plupart d’entre-nous rencontre des problèmes émotionnels récurrents au travail : désarroi face à certains comportements de collaborateurs ou clients, peur de mal gérer les priorités, angoisse de faire des choix, jalousie envers la réussite des autres, crainte de ne pas être considéré ou reconnu, dilemme et culpabilisation sur l’équilibre vie privée-vie professionnelle, etc. Alors nous avons développé de petites stratégies personnelles pour faire face : listes de choses à faire, méthode Coué (autosuggestion) « je vais bien, tout va bien », évitement des situations potentiellement difficiles, … Force est de constater que ces techniques ne fonctionnent pas vraiment ou de façon limitée, parce qu’elles ne résolvent pas la question de fond. Alors comment gérer ces idées négatives ?

 

La thérapie d’acceptation et d’engagement, l’ACT (acceptance and commitment therapy), a été mise au point par Steven Hayes dans les années 1980. La méthode décrite ci-dessous en 4 étapes s’inspire de ses travaux, pour nous aider à trouver des solutions pérennes face aux idées négatives.

La méthode :
1- Reconnaître nos comportements récurrents,
Commencez par vous demander quelles situations professionnelles qui vous posent problème. A quel moment est-ce que les pensées négatives vous envahissent, vous bloquent ?
Exemple : quand vous devez recadrer un collaborateur, dire non à un client, demander une remise à un fournisseur, en situation d’échec, …

 

2- Nommer nos pensées et nos émotions,
Il s’agit de travailler la pleine conscience et de remettre les choses à leur place, mettre en perspective les enjeux. Commencez votre phrase par « j’ai l’impression que (…)» puis nommer l’émotion qui vous ressentez. L’émotion que vous vivez n’est qu’une information parmi d’autres, elle va transiter mais ne pas stagner.
Exemple : j’ai l’impression que mon collaborateur fait une erreur et je ressens de la colère.

 

3- Les accepter
Nous ne maîtrisons pas tout, c’est un fait. Accepter nos émotions, c’est tenter une réponse ouverte, plus libre, c’est devenir acteur de la réaction qui suivra et non s’enfermer dans une spirale négative. Soyez conciliant avec vous-même et avec les autres.
Exemple : je suis en colère parce que l’erreur du collaborateur va nuire à l’image de l’entreprise et jeter le discrédit sur mon rôle de manager.

 

4- Agir en fonction de nos valeurs
Nos émotions fluctuent tout au long de la journée. Les managers doivent se poser la question suivante : « est-ce que mon attitude/ma réponse va apporter une solution concrète pour moi, mon collaborateur ou l’entreprise ? ». Se détacher de la valeur émotionnelle pour se concentrer sur nos valeurs est une bonne façon pour mieux agir.
Exemple : objectivement, déverser sa colère sur un collaborateur n’apporte généralement rien de bon pour personne. Si parmi vos valeurs vous plébicitez l’autonomie des collaborateurs, alors votre réponse doit être adaptée : plutôt que de crier (expression de la colère) sur votre collaborateur, utilisez cette énergie pour lui réexpliquer la consigne.

 

Voici une liste extraite de Personnal Values Card Short (2001) développée par des chercheurs de l’université du Nouveau-Mexique. Nos valeurs prioritaires nous sont propres. Les connaître, c’est pouvoir identifier rapidement des leviers de communication et désamorcer d’éventuelles situations problématiques au travail.

Sélectionnez 2 ou 3 valeurs fondamentales qui vous animent. Votre management et vos stratégies viendront ensuite s’appuyer sur ces principes fondateurs de votre vision.

> Amitié, amusement, attention à autrui, authenticité, autonomie, autorité, aventure, changement, compassion, confort, connaissance de soi, contribution, coopération, courtoisie, créativité, défi, détermination, développement, devoirs, famille, fiabilité, générosité, honnêteté, humilité, humour, justice, loisirs, maîtrise, modération, non-conformité, ordre, ouverture, pardon, passion, popularité, pouvoirs, précision, rationalité, réalisme, responsabilité, réussite, richesse, risque, santé, savoir, sécurité, serviabilité, services, simplicité, stabilité, tolérance, tradition, ...

 

L’erreur serait de vouloir chasser les pensées négatives, les bloquer avant qu’elles n’arrivent. Vous serez plus efficace en accueillant toutes vos émotions et en apprenant à les dominer car elles jouent toutes un rôle important dans votre développement. Une attitude gagnante consiste à envisager nos actions, nos décisions, par le prisme de nos valeurs : « ma réaction est-elle conforme à mes valeurs ? ».

Cet article se base sur les travaux de Susan David et Christina Congleton du Evidence Based Psychology ; ceux de Steven Hayes sur l’acceptance and commitment therapy et les publications du Harvard Business Review (2013-2018).

 

 

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